Comment réussir vos photos de Mars
Contrer la réfraction et le seeing
Voici comment réussir des photos de planètes basses malgré la réfraction atmosphérique et une turbulence de l’atmosphère peu favorable.
Dans la photographie des planètes, la technique RVB, avec des appareils photo industriels rapides dotés de capteurs noir et blanc extrêmement sensibles à la lumière, s’est imposée. Ces appareils créent une succession de séquences vidéo dans les canaux RVB et les résultats sont regroupés pour constituer une image en couleur. Mais photographier des planètes proches de l’horizon s’accompagne de difficultés.
Correcteurs pour la réfraction atmosphérique
Depuis quelques années, on trouve sur le marché des prismes correcteurs proposés sous le sigle ADC (Atmospheric Dispersion Corrector - correcteur de dispersion atmosphérique)) et permettant de compenser les conséquences de la réfraction. Le principe de fonctionnement : deux prismes en coin pouvant tourner l’un par rapport à l’autre génèrent une dispersion réglable qui s’oppose au décalage. Le plus simple est d’effectuer le réglage visuellement, jusqu’à ce que l’on ne détecte plus de franges de couleur. Étant donné que la plupart des correcteurs décalent l’image de Mars dans son ensemble lors du réglage, le petit champ de vision d’une caméra planétaire s’avère ici être un obstacle. Alors on fait le réglage à l’oculaire, et ensuite on le remplace par la caméra et l’on peut ainsi obtenir des images non affectées par la réfraction.
Le 2e problème : le seeing
Le deuxième gros problème est le seeing. Les turbulences dans l’atmosphère déforment sans cesse l’image de la planète. Si le parcours de la lumière dans l’atmosphère est long, la lumière traverse alors plus de masses d’air turbulentes. Ainsi, le seeing dépend également de la hauteur à laquelle se trouve l’objet. La lumière à onde longue, c’est-à-dire le rouge, voire le proche infrarouge, est moins fortement perturbée que la lumière à onde courte, c’est-à-dire le bleu.
Le filtre passe-bande IR : un sauveur ?
Le fait que le seeing dépende de la longueur d’onde peut être exploité pour la photographie. Une approche, souvent adoptée, consiste à utiliser comme luminance un canal moins influencé. Les données RVB ne servent alors qu’à colorer l’image. En présence d’un mauvais seeing, la luminance peut être obtenue avec un filtre passe-bande IR qui laisse passer la lumière à partir d’environ 650 nm. On obtient donc, ainsi, une image IR-RVB. La figure 4 présente à titre d’exemple un résultat obtenu pendant la grande opposition de Mars en 2003 :
Avec une luminance IR, beaucoup de détails apparaissent plus nets lorsque le seeing est mauvais. Mais il y a également deux inconvénients : d’une part, la résolution du télescope dépend de la longueur d’onde. Dans l’infrarouge, elle est plus mauvaise que dans le vert, à concurrence d’un facteur d’environ 1,3. D’autre part, la coloration change fortement. Mars n’est pas seulement rouge et les valeurs de luminosité de tous les canaux de couleurs jouent un rôle pour une restitution naturelle. Tandis que, dans le rouge, l’albédo du sol martien domine, le canal vert est important pour les phénomènes de brume et les nuages de poussière. Le canal bleu présente surtout des nuages.
Cette méthode est donc un compromis. Toutefois, un plus grand nombre de détails d’albédo peuvent être vus, même s’ils apparaissent quelque peu plus grossiers. Si les conditions ne sont pas très mauvaises, le canal rouge offre un juste milieu en tant que luminance.
Raccourcissement des temps d’exposition
Un disque planétaire qui vacille rapidement provoque également un flou cinétique si le temps d’exposition est trop long. On peut ainsi obtenir le cas échéant un meilleur résultat si l’on règle une importante amplification du signal, en acceptant un bruit numérique plus fort pour, d’un autre côté, pouvoir choisir un temps d’exposition aussi court que possible.
Là encore, il ne faut toutefois pas s’attendre à des miracles car, avec un mauvais seeing, les déformations des images ne se limitent pas au flou cinétique. Même si le seeing est quasiment gelé, l’image de la planète sera cependant déformée. Le succès dépend de façon déterminante du type de perturbation. Un seeing à haute fréquence se comporte comme un écran mat et même une diminution du temps d’exposition est sans effet. Si les turbulences apparaissent plutôt comme des vagues d’eau peu agitées avec, sinon, une vision nette, cette approche, liée à un alignement multipoint, est bénéfique.
La réfraction peut être correctement maîtrisée. Il est possible de lutter dans une mesure limitée contre un mauvais seeing, la règle restant la même : rien ne peut remplacer une atmosphère sans turbulence !
Auteur : Mario Weigand / Licence : Oculum-Verlag GmbH