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Astuces pratiques

Le spectre éclair de la chromosphère

Spectroscopie lors d’une éclipse solaire

Une éclipse solaire totale permet d’obtenir un spectre d’émission de la chromosphère.

Le spectre éclair de l’éclipse solaire totale du 01/08/2008. Les raies d’émission les plus flagrantes sont identifiables et repérées. Bernd Gährken Le spectre éclair de l’éclipse solaire totale du 01/08/2008. Les raies d’émission les plus flagrantes sont identifiables et repérées. Bernd Gährken

Des photos spectaculaires de la couronne solaire et une image extraordinaire de la chromosphère : on parle de spectre éclair !

La lumière de la photosphère et la lumière parasite que génère notre atmosphère dominent lorsque l’on observe le soleil au quotidien. Les raies d’émission de la chromosphère restent invisibles car, étant donné que leur lueur est émise dans toutes les directions, elle est beaucoup plus faible. On ne la remarque que lorsque l’on observe, isolée, la chromosphère au-dessus du bord du soleil, en rendant ainsi visible la lueur de différents éléments du plasma des couches supérieures. Ces observations ne sont par conséquent possibles que moyennant beaucoup de travail technique.

Nouvel élément

Il en va autrement lorsque la Lune recouvre le disque solaire. Une éclipse solaire totale est par conséquent idéale pour obtenir, par des moyens simples, un spectre d’émission de la chromosphère. Si l’on y parvient, on obtient plusieurs images de la chromosphère placées côte à côte et dans différentes couleurs, chacune ayant son origine dans une raie d’émission. Les raies de l’hydrogène de la série de Balmer, du calcium H et K et de l’hélium simplement ionisé dominent. L’hélium a été découvert en tant qu’élément en 1868, à l’aide de cette méthode.
La désignation « spectre éclair » provient de C.A. Young (1870) et s’explique par le bref laps de temps pendant lequel les raies d’émission de la chromosphère s’illuminent. Par rapport au diamètre du soleil, la chromosphère n’est qu’une mince couche. Étant donné que la phase d’éclipse totale ne dure que quelques minutes, celle pendant laquelle la chromosphère est visible de façon optimale ne dure que quelques secondes. Vue par nous, la chromosphère a un diamètre angulaire d’environ 10" seulement. Étant donné l’important mouvement en propre de la Lune, un bon timing est nécessaire pour la photographie. Le spectre éclair doit être photographié immédiatement au début ou à la fin de la phase totale.

La couronne constituée d’une mince couche de gaz chaud, possède, elle aussi un spectre de raies d’émission. En raison des températures plus élevées, celui-ci présente toutefois des raies différentes de celles de la chromosphère. Mais comme la couronne ne comporte pas de structures aussi tranchantes, le spectre résultant est diffus et, sans l’utilisation d’un spectroscope à fente, les raies d’émission sont difficiles, voire impossibles à identifier.

Génération du spectre

Pour décomposer la lumière dans ses différentes couleurs, on utilise la spectroscopie sans fente, qui permet de scinder l’image complète de la chromosphère. Une méthode peu coûteuse consiste à utiliser un réseau de transmission, un verre plan parallèle comportant de nombreuses et fines rainures parallèles ou des traits sombres où la lumière est réfractée et mise en interférence. Ces réseaux sont disponibles dans le commerce en montures de filtres standard de 1,25", qui permettent d’intégrer le réseau facilement dans le chemin optique. Étant donné que le temps est limité, les réseaux échelettes sont très avantageux pour les spectres éclairs, par rapport aux réseaux normaux à traits sombres, car ils permettent un rendement lumineux particulièrement élevé dans le spectre.

Configuration pour photographier un spectre éclair, composée d’un réseau, d’un adaptateur 1,25", d’une bague T et d’un reflex numérique. La distance A est le tirage mécanique de l’appareil concerné, d est la distance entre le réseau et le capteur, et x est la distance entre les ordres 0 et 1. À droite, un exemple à l’appui de la Lune. M. Weigand Configuration pour photographier un spectre éclair, composée d’un réseau, d’un adaptateur 1,25", d’une bague T et d’un reflex numérique. La distance A est le tirage mécanique de l’appareil concerné, d est la distance entre le réseau et le capteur, et x est la distance entre les ordres 0 et 1. À droite, un exemple à l’appui de la Lune. M. Weigand

Pour obtenir un beau résultat montrant le spectre de la chromosphère (1er ordre de diffraction) conjointement avec le soleil en éclipse « normal » (ordre 0), il faut faire un choix optimal de la distance entre capteur et réseau de diffraction. L’angle de diffraction dépend de la longueur d’onde λ et du nombre de traits du réseau par millimètre, L. Les réseaux les plus courants présentent 100 ou 200 traits/mm. La formule suivante permet de calculer, en mm, la distance x entre l’ordre 0 et une longueur d’onde donnée de 1er ordre :

x = d * λ * L * 1 000 000

d est ici la distance entre le réseau de diffraction et le capteur, en mm, et la longueur d’onde est donnée en nm, p. ex. 400 nm pour l’extrémité bleue ou 700 nm pour l’extrémité rouge du spectre. On peut ainsi calculer si tout est adapté au capteur.

Exemple : on visse un réseau de 100 traits/mm dans un adaptateur de 1,25" qui est lui-même relié via une bague T à un reflex numérique. Avec les tirages mécaniques types, on obtient en tout une distance réseau-capteur d’environ d = 90 mm. La raie Hα, à 656 nm, est par suite représentée sur le capteur à 5,9 mm de l’objet ou de l’ordre 0. La méthode peut être testée sans risques avec des objets comme, par exemple, une étoile lumineuse ou la Lune. Des moyens très simples permettent de créer un spectre éclair de la chromosphère, à titre de complément esthétique aux « pretty pictures », et l’on peut en même temps reproduire la méthode de la découverte historique de l’hélium, il y a près de 150 ans de cela.

Auteur : Mario Weigand / Licence : Oculum-Verlag GmbH